Escapade à vélo dans l’Aube, cap sur les voies vertes

Velo Ellipse - © Laurène Philippot

François Piccione, le cofondateur du média Bobine, a parcouru durant cinq jours les voies vertes de l’Aube, de Romilly-sur-Seine jusqu’aux grands lacs de la Forêt d’Orient. Il nous partage ses découvertes et ses rencontres qui ont agrémenté son itinérance de 250 km.

À l’heure où le slow tourisme, l’art de voyager tout en prenant son temps, est de plus en plus plébiscité, je m’engage dans une escapade à vélo à travers le département de l’Aube pour valoriser ses savoir-faire. Situé à une heure de Paris, l’Aube est une destination idéale pour un week-end à la campagne et bien plus encore. Dépaysement garanti.

Première étape: le conservatoire du coq gaulois à Mery-sur-Seine

Il est midi lorsque j’arrive à Romilly-sur-Seine, le soleil est au rendez-vous. Je sors du train dans lequel j’ai embarqué mon vélo depuis Paris. Les voies vertes de l’Aube s’ouvrent à moi. Je rejoins rapidement les rives de la Seine et la voie verte du canal de la Haute-Seine qui serpente sur de nombreux kilomètres le long des magnifiques paysages du département. Le fleuve me guide jusqu’à ma première étape : Mery-sur-Seine.

Les rives de Seine ©Bobine Magazine
Voie Verte Aube ©Bobine Magazine
écluse n°8

Les caquètements des coqs confirment que je suis bien arrivé à destination. Au cœur de ce village bucolique se trouve une ferme pédagogique où les chevaux, les lapins ou encore les paons côtoient depuis peu les coqs gaulois. Né d’une initiative portée par Yannick Fassaert, le président du lieu, et Damien Vidart, ardent défenseur de la race gauloise, le Conservatoire du Coq Gaulois s’est établi au sein de la ferme avec pour mission de préserver cette race ancestrale. Ce dont je retiens de ma rencontre avec Damien, c’est sa passion intarissable pour le coq gaulois.

Le coup de foudre intervient il y a dix ans lors d’une exposition où il acquiert son premier couple de volailles de race gauloise: « je n’ai pas hésité, je les ai pris tout de suite », se souvient-il. Malgré son prestige, la race gauloise a bien failli disparaître de nos campagnes. Cette race était jugée trop peu productive au regard des besoins au sortir de la seconde guerre mondiale. Après avoir effectué un recensement national, Damien souhaite désormais mener à bien un plan de sauvegarde de la race gauloise. Un projet qu’il porte au sein de la ferme pédagogique de Méry-sur-Seine, pionnière en agrotourisme. N’hésitez pas à pousser le portail de la ferme, Damien et ses coqs se feront une joie de vous accueillir.

Le conservatoire du Coq Gaulois ©Bobine Magazine
Conservatoire du coq gaulois
coq gaulois

Deuxième étape: Troyes et son riche patrimoine

Je poursuis mon itinérance sur les voies vertes du département de l’Aube au rythme du chant des oiseaux. Impossible d’avoir la tête dans le guidon sur cet itinéraire cyclable tant la nature est belle à voir. Avant de rejoindre Troyes, je fais une halte désaltérante à l’Écluse n°8 à proximité du village de Saint-Mesmin. L’ancienne maison éclusière a été réhabilitée en un chaleureux café/restaurant. Cette première journée en selle se termine dans la ville médiévale de Troyes où de nouvelles rencontres m’attendent !

Lorsque je me balade dans les ruelles de la vieille ville de Troyes, j’ai comme l’impression de voyager dans le temps. Au Moyen-Âge, les marchands venus de toute l’Europe se retrouvaient ici lors des grandes foires. Parmi les bâtiments emblématiques de la ville, le cellier Saint Pierre fait figure de référence. C’est dans ce lieu chargé d’histoire qu’une précieuse liqueur nommée prunelle de Troyes est fabriquée à partir de noyaux de prunelle.

rue paillot Troyes
Troyes ©Bobine Magazine
Troyes ©Bobine Magazine

Alexandre et la fabrication de la Prunelle de Troyes

Je retrouve Alexandre occupé auprès de l’alambic installé au sein de la distillerie du cellier depuis 1856. Lui n’est pourtant pas tombé dans la marmite étant petit. Seule sa mère, passionnée d’astrologie, lui prédisait un avenir dans les liquides. La révélation intervient au cellier Saint Pierre où il passe une partie de ses étés durant sa jeunesse. Il découvre alors la fabrication de sirops et surtout de la prunelle de Troyes :  « Je me suis imprégné de ces lieux et cela m’a donné le goût à l’oenologie », raconte-t-il.

La distillerie du cellier Saint Pierre, la seule encore en activité, produit 15 000 bouteilles de prunelle par an grâce à son alambic en cuivre chauffé au feu de bois. Malgré cet engouement, la fabrication de la prunelle de Troyes reste entièrement artisanale et la recette (secrète) demeure inchangée depuis 1840. Fervent défenseur de sa liqueur, Alexandre a créé en 2013 la confrérie de la prunelle de Troyes qui intronise trois nouveaux chevaliers chaque premier samedi du mois de juin: « L’objectif est de conserver un patrimoine gastronomique et cette notion de fraternité. Quand on partage un verre de prunelle de Troyes, on passe toujours un bon moment. », conclut Alexandre. À déguster avec modération !

prunelle de troyes
La Prunelle de Troyes ©Bobine Magazine
La Prunelle de Troyes ©Bobine Magazine

La manufacture Vincent-Petit et l’art du vitrail

Avant de reprendre mon itinérance sur la voie verte des Grands Lacs Seine et Aube, je ne pouvais quitter la ville de Troyes sans évoquer un savoir-faire qui a traversé les époques : la peinture sur verre. Saviez-vous que le département de l’Aube, appelé aussi la Champagne méridionale, dispose de la plus grande concentration de vitraux au monde ? Il n’y a qu’à lever la tête et contempler les nombreux édifices religieux qui essaiment le territoire, de la majestueuse cathédrale de Troyes jusqu’à l’église d’Ervy-Le-Châtel où l’on peut observer la baie des Triomphes de Pétrarque.

La troyenne Flavie Vincent-Petit s’est prise de passion pour ce patrimoine d’exception. Sa rencontre avec André Vinum durant son cursus universitaire fut décisive. Arrivée pour un stage de 5 semaines, Flavie restera finalement 18 ans après du maître-verrier troyen et son fils Alain Vinum. Ils lui apprendront les gestes et techniques de la peinture sur verre qui se transmettent depuis des siècles. En 2012, elle fonde alors la Manufacture Vincent-Petit avec son mari. L’entreprise s’appuie aujourd’hui sur une équipe pluridisciplinaire d’une vingtaine de personnes composée de conservateurs-restaurateurs, d’ingénieurs, de techniciens et d’assistants. « Ce qui me plait vraiment dans le vitrail, c’est que c’est un métier manuel, intellectuel et spirituel au croisement de nombreuses disciplines. », résume Flavie. La Manufacture Vincent-Petit fait notamment partie des huit ateliers de maîtres-verriers et serruriers d’art retenus pour la restauration des vitraux de la cathédrale Notre Dame de Paris.

manufacture vincent petit
Flavie Vincent-Petit ©Bobine Magazine
Flavie Vincent-Petit ©Bobine Magazine

Troisième étape: le Parc naturel régional de la Forêt d’Orient

Après avoir quitté la ville de Troyes, je poursuis mon périple à vélo dans le département de l’Aube en empruntant la voie verte des Grands Lacs Seine et Aube. L’itinéraire cyclable traverse le Parc naturel régional de la Forêt d’Orient qui se distingue notamment par ses magnifiques plans d’eau : le Lac Amance, le Lac du Temple et le Lac d’Orient. J’ai rendez-vous non loin d’ici au Moulin de Dosches, perché sur les hauteurs du petit village champenois de Dosches.

Le moulin à vent de Dosches

À l’approche du village, impossible de rater le moulin à vent qui se dresse majestueusement devant vous. L’accès au site se mérite, d’autant plus à vélo car il vous faudra franchir une pente abrupte. Mais quelle récompense à l’arrivée : un ouvrage et un point de vue exceptionnels. Je rejoins Grégory, le meunier et gérant du site. Charpentier et aubois d’origine, Grégory a d’abord participé à la construction de ce moulin typique. De fil en aiguille, il en devient le gérant et meunier avec sa femme Gaëlle : « Je ne pourrai pas dire que j’ai toujours été attiré par la meunerie mais je me suis pris au jeu et maintenant c’est devenu une véritable passion. », explique-t-il.

Sa passion pour le patrimoine et les moulins, Grégory la partage avec Erwin Schriever, ancien compagnon charpentier à l’initiative de cette idée folle du Moulin de Dosches. Son objectif : reconstruire à l’identique un moulin sur pivot en bois que l’on observait par dizaines dans l’Aube au 18e siècle. En plus de produire de la farine, le Moulin de Dosches organise de nombreuses visites et activités sur le site : « On pense que la transmission du patrimoine se fait par les enfants ». Et le couple ne compte pas s’arrêter là : « Je rêverai de construire à côté de ce moulin un moulin-tour. », conclut Grégory. À mon départ, je leur souhaite évidemment « bon vent » !

Le Moulin de Dosches ©Bobine Magazine
Le Moulin de Dosches ©Bobine Magazine
Moulin de Dosches

L’atelier de dorure d’Uwe Schaefer

Je termine mon itinérance à vélo dans l’Aube en longeant les grands lacs de la Forêt d’Orient que j’avais déjà côtoyés en rendant visite à Grégory, au Moulin de Dosches. La dernière étape m’amène au Château de Géraudot, une ancienne demeure seigneuriale du 18e siècle. Je suis accueilli à bras ouverts par Florence et Uwe, les propriétaires des lieux. Situé en face du lac d’Orient et doté d’un joli parc boisé de 3,5 hectares, le château inspire sérénité et quiétude, à l’image du couple. C’est dans ce bâtiment historique qu’Uwe a installé depuis quelques années son atelier de dorure qui porte son nom : l’Atelier Schaefer.

 

Né en Allemagne, dans l’ex-RDA, Uwe franchit le mur de Berlin quelques jours avant sa chute. Là-bas, il rencontre celle qui deviendra sa femme, Florence, qui l’amène en France et lui présente un artisan doreur. Après une formation à Paris dans l’atelier de son « maître » Jean Alot, au début des années 1990, Uwe s’installe à Reims et ouvre son propre atelier de dorure en 1993. Quelques années plus tard, Florence et Uwe ont l’opportunité d’acquérir un château à restaurer, au coeur du Parc Naturel Régional de la Forêt d’Orient : le Château de Géraudot. Un rêve de gosse qui dévient réalité pour Uwe : « Dans ma tête c’était clair qu’un jour j’habiterai un château », explique-t-il. Il déménage alors son atelier dans une aile du château qui l’inspire au quotidien pour son travail. La passion d’Uwe pour la restauration et la création de dorure à la feuille s’est nourrie de la pratique du métier depuis plus de 30 ans, mais aussi de la diversité d’objets pris en charge par l’atelier. Ce qui guide sa démarche pluridisciplinaire ? La volonté de restituer la beauté d’une œuvre ou de sublimer celle-ci. La transmission est également au cœur de la démarche d’Uwe, à commencer par ses enfants dont deux travaillent désormais à ses côtés : « Il y a un vrai engouement des jeunes pour les métiers d’art. » Il n’hésite également pas à partager son savoir-faire aux hôtes de passage du château bichonnés par Florence. Croyez-moi, vous ne serez pas déçus par ce couple en or !

Atelier Schaefer, dorure à la feuille 6 - © François Piccione @bobinemagazine
Atelier Schaefer, dorure à la feuille 2 - © François Piccione @bobinemagazine
Atelier Schaefer, dorure à la feuille 2 - © François Piccione @bobinemagazine

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